— FOLKLORE —

⊹ LE MANOIR BONAVENTURE  ⊹
Le manoir Bonaventure connut de jours heureux à l'époque victorienne. Un certain faste emplissait les lieux où de somptueux décors étaient illuminés par des candélabres rehaussés d'or. De nombreuses festivités étaient données à l'occasion de grands banquets, nativités ou bien encore, de fiançailles... Au printemps 1860, les tables furent dressées dans l'optique d'accueillir bon nombre de convives, mais aussi les mets les plus exquis. À l'occasion des fiançailles entre Cressida Bonaventure et Armand Wiltshire, toute l'île de Keening Island eut le plaisir de célébrer cette union sacrée.

Le soir venu, la cadette Bonaventure patienta de longues heures à sa fenêtre dans l'espoir que l'attelage de son bien-aimé franchisse l'épais brouillard qui venait emplir la coursive d'entrée. À mesure que la cire venait rejoindre le plancher, jusqu'à ne laisser qu'une flamme mourante, les espérances de l'enfant Bonaventure vinrent à leur fin elles aussi.

Jamais le fiancé ne franchit les grilles du manoir, plus personne ne le revit sur l'île. Prise d'un profond chagrin, sa dulcinée /ib>tomba peu à peu dans une démence inouïe. Rien ni personne ne savait comment panser ses blessures afin de l'apaiser.

Au petit matin du 31 octobre 1860, un cri d'effroi emplit le jardin de la demeure familiale. Un corps inerte était étendu, baignant dans une mare de couleur pourpre. Cressida s'était jetée du haut de la tourelle la plus haute du manoir et avait ainsi mis fin à ses jours.

Après cette tragédie, le manoir Bonaventure fut condamné et la lignée s'éteignit suite à ce terrible matin brumeux...

De nos jours, il est fréquent que les jeunes pourfendeurs de paix s'aventurent sur les terres Bonaventure, ils sont en quête d'adrénaline. Plus ou moins intact, le manoir semble être l'attraction phare de l'île auprès des populations les plus téméraires. C'est le rendez-vous des tourtereaux lorsque le garçon souhaite impressionner la fille à conquérir. Celui des pilleurs qui seraient avides de mettre à jour un trésor caché, mais aussi de bien d'autres individus friands de sueurs froides... Car l'on raconte que Cressida Bonaventure n'a jamais quitté les murs de sa funeste demeure... Par la plus grande attention, il serait donc possible d'entendre ses éternelles plaintes. D'autres racontent qu'ils ont croisé en personne le spectre de la jeune femme, arpentant les couloirs dans l'attente de fondre en hurlant sur les badauds venus profaner son repos.

Il est vrai que si le silence est adopté par les visiteurs, des voix fantomatiques se font entendre. Réverbérations tangibles ou hallucinations collectives, quoi qu'il en soit, l'expérience demeure personnelle. En effet, si le mystère de ce que l'on nomme aujourd'hui le Caveau de Cressida demeure encore une énigme, une explication ne saurait tarder à poindre son nez...

Ce sont, il est vrai, des bribes de conversations issues du monde des contes que l'on peut percevoir seulement si l'on sait tendre suffisamment l'oreille. Des lambeaux phoniques qui s'ajustent en fonction de la personne qui écoute. Qui saura résoudre cette énigme ?

HAUNTED HOUSE
Légende qui s'est construite au fil du temps, le Caveau de Cressida possèdent aux yeux des habitants tous les atouts d'une maison hantée. Pourtant s'ils entendent bien des voix lointaines, ces conversations proviennent en réalité du monde des contes. Ainsi, seule une Cendrillon sera en mesure d'entendre des bribes de conversations qu'elle a elle-même prononcées lors de sa vie passée. Ou bien, il lui sera possible d'également entendre des conversations entretenues par des tierces personnes à son sujet. Quoi qu'il en soit, ces fragments sont encore très parcellaires, ce qui rend leur compréhension difficile.

⊹ LE VIEUX SAULE PLEUREUR  ⊹
Immense, le saule pleureur domine l'Each Uisge Loch, et se tord au gré du vent. Il s'agite, souvent, ses branches-lianes victimes de la météo capricieuse de Keening Island. Drôlement robuste, le vieil arbre a traversé trois siècles, depuis les Temps Modernes.

Si personne n'y a touché pendant plusieurs siècles, et que celui-ci a survécu à tous les temps, la foudre est tombée sur lui au moment où le sort a été lancé à Aradhan... prédestinant alors d'étranges habitants à vivre sur ces terres, malgré eux.

Au centre des spéculations les plus fantasmagoriques, la doctrine s’est finalement arrêtée sur la croyance viscérale que l’arbre n’est rien d’autre que l'épitaphe d'un esprit. On conte, entre deux coups d’œils fiévreux vers l’écorce rugueuse, qu’un vieux marin ayant blasphémé la fille des océans se retrouva changé en arbre pour répondre de son offense, après que celle-ci ait décimé le reste de l’équipage sous son regard éploré. Depuis qu’il a été pourfendu, il paraît que l’on peut entendre les plaintes miséreuses du corsaire quand les embruns viennent lếcher trop abruptement les falaises saillantes de Keening Island.

THE LIVING TREE
Si la présence d'un esprit n'a jamais été prouvée, malgré des siècles de rumeur, toutes les énergies magiques du monde des contes sont concentrées dans cet arbre et ses racines... d'où son impressionnante résistance, et la dureté de la terre l'entourant. Quelques ondes se propagent, sans avoir encore, une réelle importance. Personne n'y pense réellement, quand bien même ce vieil arbre renferme des pouvoirs qu'on dit ne pas être de ce monde-là. Personne n'y croit réellement non plus, il faut dire, à part les esprits les plus marginaux de Keening Island, les plus fantasques. Cependant, elles font vibrer la terre, provoquent des hallucinations sonores et une sensation de mal être que nul ne sait expliquer. Qui sait ce que le sort réserve aux damnés ?

⊹ L'ÉCARTELEUR  ⊹
« Vois-tu ses dagues qui sortent des vagues,
Il est grand temps pour moi et pour toi,
De Lever nos bras tout en priant,
Ô comme la vie fut belle hier encore,
Pourquoi sommes-nous venus ici ?
Au bord des falaises et du néant,
La douceur de nos petits corps,
Entre ses dents n’est plus ressortie,
Courons vite avant qu’il ne dévore,
Les tissus de nos coeurs déjà morts.
S’échapper en plongeant dans l’horreur,
et dans la gorge de l’écarteleur. »

Une comptine quelconque qui se balade sur toutes les lèvres des enfants de l’île. Dans les cours de récréations, tous s’allient en un cercle pendant que l’un du troupeau a pour tâche de tournoyer autour de ses supposées proies. Il est nommé Écarteleur et il se doit d’éliminer ses victimes une à une en tapotant sur leur tête alors que la chanson se conclut. La tonalité macabre des paroles n’inquiète guère les adultes, trop habitués à les entendre et surtout à les avoir également fredonnées lorsqu’ils avaient leur âge. l’Écarteleur semble hanter les esprits des gamins depuis toujours sur Keening Island. Et si ces pépiements peuvent dérouter, ils ne sont rien face à la légende qui en est à l’origine.

Endormi dans les profondeurs de l’océan, l’Écarteleur n’apparaîtrait que face aux âmes aventureuses qui osent arpenter les falaises de l’île. Elle est décrite de manière fantasmagorique, à l’instar de ses comparses mythologiques et surnaturelles, empruntant ses attributs à des bêtes comme la manticore ou le serpent des mers. Un visage d’apparence humaine, plus précisément masculin, mais dépourvu d'yeux, avec beaucoup de dents et une langue si longue qu’elle traînerait par terre. Son buste est recouvert d’écailles aux couleurs sombres et il se termine à son bassin qui se continue en une queue de serpent, toujours aux même couleurs. On dit qu’il mesure au moins deux mètres soixante et que d’énormes griffes décorent ses doigts. On raconte que le monstre empêcherait les habitants de quitter les terres de Keening et qu’il punirait ceux qui oseraient y songer par une sentence mortelle. Rares sont ceux qui peuvent témoigner de sa présence, et inutile de préciser qu’ils n’ont même jamais été pris au sérieux, accusés de fabulations en tout genre et bien souvent moqués. On signale tout de même un bon nombre de disparitions aux alentours des falaises mais les esprits rationnels assureront que les accidents sont malheureusement inévitables dans ce coin de la ville et qu’il est facile de tomber dans l’eau lorsque l’on est perché sur les sommets rocailleux de Keening.

SOUL DEVOURER
La bête de l’océan est profondément ancrée dans les esprits de ces individus dans un but bel et bien précis : empêcher leur désir, leur besoin de s’évader de leurs nouvelles maisons. Si le mythe n’est pas pris au sérieux par la majorité des écossais il reste néanmoins tapis dans un coin de leur tête, les dissuadant totalement d’avoir une quelconque envie d’évasion. Malgré un manque flagrant de considération pour la légende, les falaises restent un coin peu fréquenté et les disparitions, quant à elles, sont bien réelles. On y retrouve quelques adolescents, tentant de se faire des frayeurs. Certains disent avoir vu ou entendu l’Écarteleur mais ce n’est le fruit que de paranoïa collective. L’Écarteleur n’a encore jamais nagé dans l’Océan qui entoure l’îlot, mais il suffit de quelques incantations et d’une poignée d’ingrédients pour lui donner vie..

⊹ LES SORCIÈRES  ⊹
WITCHES LEGACY
Les paysages verdoyants ne manquent pas sur Keening, allant même jusqu’à former une forêt renfermant de sombres secrets. Lorsque l’on se perd à l’intérieur, on peut y retrouver un par terre dénudé, sans aucune verdure. Sur plusieurs mètres, la nature semble refuser de s’y implanter. On l’appelle le « Tapis de cendres » et la légende qui l’entoure fait alors écho à l’une des périodes les plus brumeuses de l’histoire écossaise, le procès des sorcières. Il est relaté qu’un bon nombre de personnes ont connu la sentence du bûcher à cet endroit et que leurs cendres, jugées maléfiques, ont condamné la terre au néant.

Une multitude d’arbres de Rowan ont également été plantés devant les habitations dans le but de les défendre face aux forces du mal. La tradition clame que cet arbre sacré peut faire office de barrage et contre la venue des âmes malfaisantes. La coutume pousse également les futures mamans à faire cuire des baies en remèdes à partir de plantes afin de protéger les nouveaux-nés des mauvais sorts. L’héritage de cette période historique est plus que jamais présent et ce malgré les siècles qui passent.

⊹ SUPERSTITIONS  ⊹
On ne compte plus le nombre de superstitions qui parcourent les foyers et les nombreuses régions du monde. Si passer sous une échelle ou encore ouvrir un parapluie en intérieur n’évoque rien d’éprouvant pour certains, d’autres le vivent d’une toute autre manière. Tétanie, hurlements accompagnés de tremblements pour les plus extrêmes. En effet, une bonne partie de la population est sous l’emprise de ces mythes que l’on associe régulièrement à la venue du malheur bien qu’il en existe certaines qui sont significatives de bonnes nouvelles. Keening détient son propre lot de croyances sacrées, provenant majoritairement de l’imaginaire écossais et de toutes les histoires de cinoque que l’on retrouve dans la nation britannique. En voici une liste non exhaustive :

- Lorsqu’un nouveau né vient au monde, il est demandé de lui glisser une pièce de monnaie au creux de sa main. Ceci lui assurera une vie confortable et lui empêchera de connaître la faim ou le froid. On dit aussi qu’il sera économe s’il garde la pièce ou qu’au contraire, il sera dépensier si elle lui échappe des mains.

- La première rosée du mois de mai fait oublier les produits et les soins de beauté à de nombreuses femmes écossaises. Alors que le soleil se lève doucement, elles s’échappent sur leur terrasse pour se badigeonner le visage avec cette eau qualifiée de bénite par les druides à l’époque où les festivités païennes étaient encore courantes. Ceci favoriserait une venue tardive des rides et autres marques dessinées par le temps.

- Pour des raisons hygiéniques, il n’est jamais conseillé de déposer ses chaussures sur une table. À Keening, il n’est pas question de bienséance mais de mort car oui, on raconte qu’apposer une paire de godillons sur une table forcerait la faucheuse à venir toquer à la porte du foyer en question.

- Un premier rendez-vous amoureux. Le courant passe plutôt bien entre les deux tourtereaux et l’un d’eux s’évade déjà dans ses pensées en rêvant mariage et enfants. Pour avoir le droit à cette fin vraisemblablement heureuse, il lui suffira de rentrer à la maison en ne portant qu’une seule chaussure. La deuxième peut se retrouver à différents endroits, cela n’a guère d’importance. La personne peut la laisser sur la banquette arrière de sa voiture ou lâchement l’abandonner sur les marches de l’escalier du restaurant, désormais il ne lui reste plus qu’à penser aux noms des mioches.

- Ne jamais s’aventurer à tirer de l’herbe encore fraiche et pimpante, ceci condamne à la vie amoureuse la plus morne qu’il soit. En arracher, c’est priver l’amour de venir habiter les coeurs des personnes qui entourent le coupable. Celui-ci se trouvera esseulé et submergé par une immense tristesse.

- Franchir le seuil d’une porte avec sa, ou ses mains, dans les poches est clairement un signe de mauvais augure. On ne sait pas vraiment à quel genre d’infortune les malheureux qui ne savaient quoi faire de leurs paluches seront confrontés mais selon les mères-grands, rien de bon ne les attend. Des petits-enfants suspectent ces dernières d’avoir inventé cette tradition pour les forcer à avoir une attitude présentable, mais qui sait ?

- Il est formellement interdit de danser dans un cimetière, ou pire, à côté d’un cadavre. La sentence est plutôt simple à assimiler : un voyage sans retour en enfer. Mais que l’on se rassure, rares sont les personnes prises d’une envie folle de se déhancher face à un mort. 



CROSSED KNIVES
Il est parfois impossible de dater ou de prendre connaissance des origines des superstitions, une chose est pourtant certaine, elles sont ancrées dans les esprits et agrémentent les quotidiens de nombreuses personnes. Keening est une ville riche en histoires et légendes, ce pourquoi il n’est absolument pas rare de croiser le chemin d’un habitant obsédé et soumis à la volonté de ces croyances. Fictives ou véritables, le seul moyen de le savoir et de poser ses chaussures sur une table et attendre que quelqu’un s’éteigne.